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El Khomri ou El Konnerie ?

En France depuis des semaines, ça gesticule parle fort, ça manifeste, ça défile, ça bloque les transports et les dépôts de carburants, ça débat, ça s’oppose, ça se divise … mais qu’est-ce-qui peut bien mettre les français dans un tel état ?
La loi El Khomri bien sûr, surnommée avec tendresse la loi El Konnerie.

Plus le temps avance dans le temps et moins on sait de quoi on parle, que l’on soit pour ou contre. Les fausses informations se mélangent joyeusement aux rumeurs, tandis que les déclarations des politiques attisent soit les divisions, soit les désinformations.

Ce billet n’a pour seul vocation de fixer quelques points, très précis, sur ce que contient la loi El Khomri. J’entends trop souvent dire “finalement, je ne sais pas ce qu’il y a dans cette loi”.
Donc pas de morale, pas de leçon de citoyenneté. Juste des faits, des textes, la réalité. Et aussi mon avis bien sûr, vous êtes sur un blog d’opinion 🙂

Préambule 1 :
Je vais être claire avec vous dès le début, je suis absolument contre cette loi. Je suis descendue dans la rue même si c’est très irrégulièrement et je refuse les modifications portées au Code du Travail par ce texte. Et je pense que la seule façon d’obtenir le retrait de ce texte de loi – malheureusement – est de se faire entendre très fort.

Préambule 2 :
Je suis bien d’accord avec vous, les manifestations, ça emmerde tout le monde. Mais bon, on n’a jamais vu revendication silencieuse aboutir. Ce serait bien mais non, ça n’existe pas.
Et en 1936, les ouvriers ont obtenu les congés payés dans le brouhaha général – doux euphémisme.

Merci wikipédia pour ce petit rappel : « la victoire du Front populaire aux élections législatives du 3 mai 1936 provoqua un élan de revendications chez les travailleurs. Ils lancèrent un mouvement de grève et d’occupation d’usines à travers toute la France (les « grèves joyeuses ») , impliquant près de 2 millions de travailleurs. Ces grèves, paralysant tout le pays, entraînèrent l’ouverture de négociations avec le patronat sous la tutelle du nouveau gouvernement. Elles aboutirent aux Accords Matignon, créant notamment les conventions collectives. »

Préambule 3 :
Le code du travail est vieux, daté et le monde du travail change. Là encore, je suis d’accord avec vous. Et j’en suis d’ailleurs un exemple représentatif !
Licenciement éco en 2012, plus jamais recroisé de CDI et je navigue depuis de CDD en CDD, tout en ayant mis en place une reconversion professionnelle et en cumulant contrats salariés et statut d’auto-entrepreneur.
Donc lorsque l’on me dit que la société se doit d’être flexible : OMG !!  I know that !!

Préambule 4 :
Les violences lors des grèves … trop long, trop lourd, j’en ferai en prochain billet 😉

Allez, laissons les préambules de côté et attaquons nous au sujet.

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Le contenu de la loi travail, la loi El Khomri

Je ne vais pas reprendre tous les points – on n’est pas non plus sur les bancs de l’école – mais juste ceux qui risquent de nous impacter au quotidien et qui peut-être nous feront dire “si j’avais su !”. Et je vais essayer d’être claire.

Pour commencer, il faut savoir que le socle de la loi est de favoriser les accords collectifs et d’avoir recours à la négociation en entreprise.
Sur le principe, on se dit “chouette, plus de négociations, à l’heure du numérique et du collaboratif, c’est top”. Oui mais non.
Le jour où les sociétés seront gérées de manière collaboratives, on pourra se dire chouette. En attendant, dans un marché du travail où l’équilibre patrons/salariés n’existe que rarement, la règle du jeu voulue par la loi me semble bien dangereuse. Mais pas pour les patrons.

loi travail
Durée du travail/jour

Aujourd’hui, elle est fixée à 10h/jour. Demain, elle pourrait être de 12 heures.
Sacrée journée !

Temps de travail

Demain, avec la loi, un accord négocié dans l’entreprise pourra remplacer les dispositions d’un accord de branche, même si ces dispositions sont plus favorables pour les salariés.
Lorsque j’étais jeune juriste, on m’a toujours appris que les dispositions plus favorables s’appliquent. On reviendrais donc sur ce principe.

35 heures

Les PME de moins de 50 salariés – donc la majorité en France – pourront proposer à leur salarié de passer au forfait jour – et donc déroger aux 35 heures – sans accord collectif.

Heures supplémentaires

La loi El Khomri prévoit de supprimer l’accord de branche pour diminuer la majoration de la rémunération des heures supplémentaires.
En gros, l’entreprise peut, par accord d’entreprise, décider de ne plus majorer les heures supplémentaires à 25% (8 premières heures) même si un accord de branche est plus favorable aux salariés.

Licenciement économique

La loi prévoit de définir plus précisément les critères du licenciement éco. Notamment, en introduisant le critères « baisses de commande » ou « baisse du chiffre d’affaires ».

Par exemple, une entreprise de moins de 11 salariés dont les commandes ou le chiffre d’affaire baisse sur 1 trimestre pourra licencier pour motif économique.
Pour une entreprise entre 11 et 49 salariés, ce sont 2 trimestres qui seront requis.

Quid lorsque le carnet de commande se remplit à nouveau après le premier trimestre de baisse ? C’est bien pour l’entreprise et on s’en réjouit tous … c’est moins bien pour le salarié qui aura été licencié pour … rien finalement.

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Licenciement injustifié et dommages et intérêts

Aujourd’hui, un salarié licencié de façon injustifiée – et non, ce n’est pas une légende urbaine, ça arrive vraiment – peut toucher – après procédures bien sûr qui durent des années souvent, des dommages et intérêts équivalents à 6 mois de salaires (entreprises de plus de 10 salariés et 2 ans d’ancienneté).
Cette disposition est supprimée totalement par la loi.

Bref, je ne vous fais pas toutes les mesures mais en gros, on a compris, la loi facilite les licenciements.

Bon, c’est pas top top mais après tout, on pourrait se dire que cela va dans le sens de la flexibilité voulue par la société … bla bla bla, bla bla bla … redonner confiance aux patrons, s’adapter à l’économie de marché …
Sauf que déjà la flexibilité, portée au nues par certains est bien souvent synonyme de précarité – là encore, je suis un bon exemple, je ne sais pas ce que je vais devenir au 31 septembre prochain, date de fin de mon CDD et sincèrement, je ne suis pas à plaindre en comparaison avec les mères seules qui élèvent leurs enfants, les salariés pauvres …  – et que cette flexibilité est plus subie que réellement volontaire – tout le monde n’est pas et ne souhaite pas devenir entrepreneur – et surtout, ne s’accompagne aucunement des mesures sociales qui devraient l »épauler – accessibilité des prêts bancaires en cas de CDD …

manifestations loi travail

Et là ou vraiment l’hypocrisie bat son plein c’est lorsqu’on nous présente la loi comme étant une solution au chômage.
En quoi fragiliser les salariés va permettre aux entreprises d’embaucher ? C’est vraiment nous prendre pour des pigeons que de nous faire croire qu’il y a une relation entre licenciements et recrutements.

Donc pour moi, cette loi c’est vraiment El Konnerie !!

Et pour vous ?

Crédits photo :
Europe 1
L’Express
Lupo
Nawak


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