Vis ma vie de Juriste dans une société en Liquidation Judiciaire

Tandis qu’au service juridique, nous grignotons et fumons toujours mettant en péril nos bronches et nos tour de taille, un plan de reprise plus sérieux que les autres se dessine. Sérieux mais douloureux.

Nous sommes à peu près encore 250 en France, le premier plan de reprise prévoit 150 sauvés. Puis 130. Puis 90. Ouch ! Ca fait mal et là, la question n’est plus de savoir qui part mais plutôt qui reste.

Les listes ne sont pas fixées définitivement mais nous savons quels services disparaissent … presque tous …
Arrivés à ce niveau, rares sont les salariés qui souhaitent être conservés. Comment travailler avec si peu d’effectif ? Piloté par un fonds d’investissement qui ne connait pas notre domaine d’activité. Dont le seul intérêt réside dans les chiffres.

Et là, nouvelle surprise … On découvre le visage de certains de nos collègues … c’est pas beau à voir, ça se tire dans les pattes, ça critique à tout va, ça quitte le navire avant les femmes et les enfants … Eh oui, persuadés d’être conservés, ils font partie de la charrette et le vivent mal … difficile de passer de torchons à serviettes …

Février 2012 : Dernière convocation du Tribunal qui nous l’a juré, c’est la der des der.
Il vaut mieux, nous sommes au bout du rouleau.
Le verdict tombe. Surprise, personne ne s’y attendait, le plan de reprise est refusé, nous sommes liquidés sans poursuite d’activité.

Nous sommes lundi après midi. Mercredi soir, c’est fini. Deux jours atroces où nous mettons tous nos dossiers dans des cartons, qui seront ensuite jetés par le liquidateur.

Et là, la vérité nous frappe de plein fouet, ces cartons seront jetés et notre travail, sera oublié.
Finalement, à quoi avons nous servi durant tous ces mois de travail ? Toutes ces heures, toute notre implication, toute notre conscience professionnelle qui partent à la poubelle … comme si nous n’avions jamais existés … c’est douloureux et injuste parce que nous, on n’a pas failli. Mais c’est nous qui payons.

Deux jours durant lesquels nous évoquons encore ce gâchis, cette tristesse de nous quitter en nous promettant de rester en contact et de se revoir, comme on le fait à la fin des vacances. Au final, comme au retour des vacances, nous nous dispersons, nous perdons nos adresses et parfois lorsque nous nous croisons par hasard, cette histoire nous hante tellement qu’elle nous empêche de parler d’autre chose.

C’était il y a un an.

6 Réponses